SAÏD DJINNIT : MALGRÉ LA LENTEUR DES PROGRÈS, LES PAYS DE LA RÉGION DES GRANDS LACS RESTENT ATTACHÉS À LA MISE EN ŒUVRE DE L’ACCORD-CADRE POUR LA PAIX, LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION

Saïd Djinnit, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs. Photo ONU

28 sep 2016

SAÏD DJINNIT : MALGRÉ LA LENTEUR DES PROGRÈS, LES PAYS DE LA RÉGION DES GRANDS LACS RESTENT ATTACHÉS À LA MISE EN ŒUVRE DE L’ACCORD-CADRE POUR LA PAIX, LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION

Source : Département des affaires politiques des Nations Unies

La région des Grands Lacs en Afrique est l’une des plus instables du monde. Nombreux sont ceux qui l’ont remarqué pour la première fois à la suite du génocide au Rwanda, et certains des conflits les plus brutaux des 25 dernières années se sont déroulés dans l’un de ces pays ou entre plusieurs pays de la région. Mais les Grands Lacs ne se résument pas à la violence et aux massacres, même si des tensions subsistent. L’une des grandes priorités au niveau international est de tirer parti des avancées réalisées dans le domaine de la paix et de la stabilité dans la région au cours de la dernière décennie. L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, avec qui nous nous sommes entretenus lors de l’Assemblée générale, la semaine dernière, a un rôle important à jouer en la matière. 

Dans votre dernier rapport sur la situation dans la région des Grands Lacs, vous avez abordé la lenteur des progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord‑cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo (l’« Accord‑cadre »). Comment l’expliquez-vous?

Dans mon dernier rapport, j’ai effectivement mentionné que les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord-cadre, qui avait été adopté par les dirigeants des pays de la région en février 2013, avaient été plutôt lents pour un certain nombre de raisons. Et j’ai notamment indiqué le fait que les pays de la région avaient dépensé beaucoup d’énergie du fait de dynamiques internes et qu’ils n’avaient par conséquent pas été en mesure de se concentrer sur certaines des questions régionales qu’ils s’étaient engagés à traiter, y compris les causes profondes de l’instabilité dans la région –
je parle en particulier de la question des forces négatives et des groupes armés, qui continuent à être à l’origine de l’insécurité et de l’instabilité dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), ce qui a des implications dans la région. C’est la raison pour laquelle j’ai parlé de la lenteur des progrès.

Des progrès ont-ils été accomplis depuis le rapport?

La bonne nouvelle est que les pays de la région continuent d’être attachés à l’Accord‑cadre et qu’ils sont résolus à le mettre en œuvre. Un certain nombre de pays réalisent des progrès socioéconomiques et sont toujours déterminés à tendre vers la consolidation de la démocratie et de la paix bien que, malheureusement, ils connaissent quelques revers en chemin. Comme vous le savez, nous continuons de devoir faire face à la situation au Burundi, où les parties n’ont pas été en mesure de se rassembler autour du dialogue que devrait promouvoir le Facilitateur de la Communauté d’Afrique de l’Est, l’ancien Président [de la Tanzanie], M. Benjamin Mkapa. C’est pourquoi nous sommes très favorables à ce processus.

En même temps, il est à déplorer qu’en dépit d’un certain nombre de mesures prises pour mettre en place un dialogue ouvert en RDC, nous avons récemment observé certains  actes de violences graves dans la capitale ainsi que dans d’autres localités du pays, ce qui est très préoccupant. Nous avons noté que le Secrétaire général avait fait part de ses inquiétudes. Nous tenons tous des consultations ici à New York pour déterminer de quelle façon nous pourrions aider au mieux toutes les parties à s’engager véritablement dans un dialogue ouvert qui pourrait être facilité tout en respectant la Constitution de la DRC mais aussi en se conformant à la résolution 2277 du Conseil de sécurité. 

Vous avez notamment pour mandat de fournir une assistance aux fins de l’organisation d’élections pacifiques et crédibles. Plusieurs élections se sont déroulées de manière relativement pacifique dans la région, comme en République centrafricaine, en Ouganda et en Tanzanie. Mais les élections présentent toujours des défis en matière de paix et de sécurité. Selon vous, quelles sont les conditions requises pour que des élections se déroulent de manière pacifique et crédible?

C’est la raison pour laquelle je parlais de sentiments mitigés, parce que nous sommes conscients des progrès qui ont été réalisés mais nous constatons en même temps que des défis et des revers restent encore à surmonter. Cela fait partie de la vie, malheureusement. Cela entre dans le cadre de la transition en Afrique. Mais du point de vue de l’ONU, de l’Union africaine et d’autres organisations internationales, nous avons encouragé les États membres à continuer de se concentrer sur la voie vers la démocratie et sur la création de conditions propices à des élections démocratiques, libres et pacifiques. Un certain nombre d’élections se sont déroulées pacifiquement et sans incident, mais malheureusement, dans d’autres cas, nous continuons à nous heurter aux mêmes problèmes et difficultés. J’ai déjà mentionné ce que nous observons à l’heure actuelle au Burundi et en RDC. Ailleurs en Afrique, nous avons la situation du Gabon. Mais dans la région des Grands Lacs, nous devons toujours faire face au processus électoral au Burundi et en RDC. Au Burundi, vous savez, cela fait plus d’un an et demi que le pays est en crise par suite de la décision du Président [Pierre] Nkurunziza de se présenter aux élections – une décision qui a beaucoup divisé le pays. Il a finalement été élu mais une vive opposition s’est exprimée et la Communauté d’Afrique de l’Est, avec l’appui de la communauté internationale, a décidé de faciliter le dialogue mais malheureusement, nous ne faisons que peu de progrès. Cependant, lors d’une récente réunion de la Communauté d’Afrique de l’Est, les dirigeants ont adopté la feuille de route du Facilitateur, M. Mkapa, et nous espérons qu’avec ce nouveau appui de la région, des dirigeants régionaux, de M. Mkapa, ainsi qu’avec l’aide de l’ONU, de l’Union africaine, de l’Union européenne et des autres membres du Conseil de sécurité, nous pourrons sensiblement progresser dans les semaines à venir.

En ce qui concerne la RDC, comme vous le savez, le Facilitateur a été nommé par l’Union africaine et nous avons appuyé cette démarche. Malheureusement, le dialogue a été lancé mais n’a pas été conclu et la situation perdure. Nous espérons que toutes les parties resteront attachées à ce dialogue et que ce dernier sera ouvert à tous de façon à trouver une solution consensuelle en vue d’une transition, car il est évident que les élections ne pourront pas se dérouler selon le calendrier prévu, mais la transition devra être aussi courte que possible, cela va sans dire. Néanmoins, le processus devrait se conformer aux paramètres fixés en matière de respect de la Constitution et de la résolution du Conseil de sécurité.