NOUVELLES VIOLENCES EN RDC : « UNE PRÉSENCE SANS ACTION PORTE ATTEINTE À NOTRE CRÉDIBILITÉ » DÉCLARE L’ENVOYÉ SPÉCIAL

27 oct 2014

NOUVELLES VIOLENCES EN RDC : « UNE PRÉSENCE SANS ACTION PORTE ATTEINTE À NOTRE CRÉDIBILITÉ » DÉCLARE L’ENVOYÉ SPÉCIAL

27 octobre 2014 – Alors que des flambées de violences meurtrières continuent de faire rage en République démocratique du Congo (RDC) et que la situation humanitaire reste très précaire, le Chef de la mission de maintien de la paix de l’ONU dans ce vaste pays (MONUSCO) a souligné aujourd’hui qu’il fallait prendre des mesures « d’anticipation plutôt que de réaction » pour contrer les groupes rebelles du pays et renforcer la protection des civils.

Dans son discours devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial, M. Martin Kobler, a fait remarquer que, même s’il existait au départ l’espoir de voir « des graines de paix » se propager dans toutes les régions de l’est de la RDC, les récentes explosions de violence qui avaient eu lieu dans les villages et aux alentours de la ville de Beni avaient rappelé au monde « combien ces espoirs pouvaient se révéler fragiles ».

M. Kobler faisait référence à une série de massacres perpétrés entre le 2 et le 17 octobre par des rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF) basées en Ouganda, qui avaient « brutalement massacré » plus de 80 civils, des femmes et des enfants pour la plupart, à la machette.

Le Représentant spécial a rappelé que même si ce groupe armé avait été affaibli au cours des derniers mois grâce à l’intervention des forces armées de la RDC, qui avaient reconquis certains bastions et libéré des personnes prises en otage par les rebelles, il continuait cependant à résister aux forces gouvernementales.

« Sous pression et en fuite, les ADF pourraient tenter d’attirer l’attention des forces armées de la RDC en attaquant des foyers de population », a-t-il ajouté.

Faisant mention de deux points essentiels pour combattre la résurgence des ADF, M. Kobler a déclaré aux 15 membres du Conseil de sécurité que, premièrement, « seules des actions contre les ADF, et non des paroles » permettraient de rétablir la confiance de la population envers les forces armées de la RDC et la MONUSCO, car « aucune victoire n’est possible sans l’appui de la population locale ».

Deuxièmement, il « s’est fermement prononcé en faveur » d’opérations militaires et de combats menés conjointement par les forces armées de la RDC et la MONUSCO afin de « mettre fin à ce fléau ».

M. Kobler a reconnu que certaines de ses missions qui portaient sur les ADF avaient
peut-être été réorientées tandis que la MONUSCO continue de tenter de neutraliser les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), ce qui est depuis longtemps « une des priorités de la mission ».

Certains dirigeants et membres des FDLR étaient au nombre des auteurs du génocide perpétré en 1994 contre les Tutsis au Rwanda, au cours duquel des Hutus et d’autres personnes opposées au génocide avaient également été tués, comme l’a récemment rappelé le Conseil de sécurité dans une déclaration. De fait, les FDLR étaient un groupe soumis à des sanctions imposées par l’ONU qui continuait de promouvoir et de commettre des tueries ethniques ainsi que d’autres massacres au Rwanda et en RDC.

M. Kobler a rappelé que les FDLR avaient jusqu’au 2 janvier 2015 pour rendre volontairement les armes, après quoi une action militaire contre ce groupe serait « inévitable ». Il a cependant prévenu que « les combats dans la jungle seraient longs et difficiles » et feraient sans doute « de nombreuses victimes », mais qu’aucune excuse ne justifiait que ce désarmement soit retardé. « La crédibilité de l’ONU, du Gouvernement de la RDC et de la région sont en jeux ».

Poursuivant la discussion, M. Saïd Djinnit, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, s’est déclaré du même avis et a exhorté l’ONU dans son ensemble « à agir immédiatement » pour neutraliser les FDLR.

« Si les FDLR ne sont pas neutralisées conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et aux décisions des dirigeants de la région, les tensions pourront s’exacerber, notre crédibilité collective être amoindrie et l’Accord-cadre mis en danger », a prévenu M. Djinnit, qui faisait référence à l’Accord‑cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC signé par 11 pays africains en février 2013 dans le but d’assurer la stabilité dans la région en s’attaquant aux causes profondes du conflit et en restaurant la confiance entre pays voisins.

Abordant la question de la situation humanitaire dans le pays, M. Kobler a indiqué que dans la province du Katanga, une crise humanitaire avait éclaté en raison du nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays, qui avait été multiplié par 11 au cours des trois dernières années. Il a souligné que le pays devrait bientôt se rendre aux urnes et que les élections elles‑mêmes pourraient être un « point chaud », qui aggraverait encore la crise humanitaire.

« La tenue d’élections locales organisées pour la première fois pourrait alimenter le feu des rivalités traditionnelles et accentuer les conflits concernant les terres et le pouvoir coutumier », a-t-il expliqué, ajoutant qu’au niveau national, « certains pourraient être tentés de pervertir la concurrence démocratique ».

Dans le même temps, la situation en matière de droits de l’homme dans le pays restait une des priorités de la MONUSCO, a ajouté M. Kobler en soulignant que le travail de promotion et de protection des droits du peuple congolais effectué par son bureau n’avait pas pour vocation d’affaiblir ou de blâmer le Gouvernement mais de « renforcer la bonne gouvernance », promouvoir « la stabilité sur le long terme », renforcer l’autorité morale du Gouvernement et ouvrir le dialogue afin que « toutes les questions relatives aux droits de l’homme puissent être débattues et qu’un climat de confiance soit instauré ».

À cet égard, le Représentant spécial a fait observer que la protection des civils et de leurs droits devait également être une mesure appliquée par les militaires de la MONUSCO.

M. Kobler a déclaré au Conseil de sécurité que « le Commandant de la Force et
moi-même sommes d’accord sur le fait que la protection des civils est plus qu’une simple tâche, c’est la raison d’être de notre travail en RDC et un impératif moral pour l’ONU ».

Il a affirmé que la présence de l’ONU dans les zones les plus dangereuses « n’était pas suffisante » et qu’« une présence sans action face à la violence remettait en cause notre crédibilité » et a donc demandé aux troupes de la MONUSCO de s’engager auprès des civils, de « lutter contre le danger où qu’il se trouve » et de « marcher des jours entiers dans la jungle » si nécessaire pour garantir la protection des civils.

« De l’action, pas de l’inaction ; anticipation plutôt que réaction ; forces mobiles plutôt que troupes statiques ; à pied plutôt qu’en roulant ». « Lorsque les civils sont en danger, arrêtons de réfléchir, il faut agir ! », s’est exclamé M. Kobler.